Résidence de Yaoundé – Pédagogie sociale et nouvelles formes de l’activisme en Afrique

En bref

Résidence de Yaoundé

Pédagogie sociale et nouvelles formes de l’activisme en Afrique

Lieu : Yaoundé, Cameroun

Dates : 26-31 Janvier 2024

 

L’Afrique a une longue histoire de luttes politiques et de projets militants. Elle a, par ailleurs, une riche tradition de rassemblement et de mobilisation en vue de la transformation sociale et culturelle.

Contexte et enjeux

Pour ceux et celles qui, depuis l’époque coloniale, ont imaginé un monde meilleur, l’éducation et la formation par des activités de découverte et d’initiation, de conscientisation et de création ont toujours joué un rôle déterminant dans les mouvements visant le changement social. Que ce soit en milieu paysan ou urbain, dans les cercles étudiants ou dans des cadres confessionnels, de véritables « écoles de l’activisme » ont existé. De fait, au lendemain des indépendances, s’initier à l’action et à la responsabilité citoyenne par le biais d’activités éducatives et culturelles ciblées était un besoin pressant. C’est d’ailleurs grâce à de tels parcours qu’était nourri l’engagement social et qu’étaient encouragées les nouvelles façons d’investir le politique. C’est aussi par cette voie qu’était transmise la mémoire tandis que les complémentarités entre générations, classes d’âge, genres et métiers étaient renforcées.

Force est cependant de constater qu’aujourd’hui, le champ de la pédagogie sociale en vue de la transformation effective des communautés, territoires et localités s’est rétréci. L’univers du militantisme s’est lui aussi largement transformé. Il en est de même de la nature des causes défendues, des formes d’organisation et des répertoires d’action. Ces ruptures, ainsi que d’éventuelles continuités, sont malheureusement peu connues. En l’absence de mécanismes effectifs de transmission de mémoire, il est de plus en plus difficile de retracer les trajectoires individuelles, de comprendre les raisons profondes des multiples défections, reconversions et leurs logiques, ou de rendre compte des façons dont les acteurs mettent en récit leurs propres parcours.

Cette déperdition n’a pas empêché, au sortir du XXe siècle, l’éclosion de nouvelles formes de mobilisations. La plupart ont eu lieu dans un contexte général marqué par l’arrivée dans le champ social de jeunes générations nées, pour l’essentiel, autour des années 1990-2000. Cette génération a fait irruption sur la scène publique au lendemain de l’échec aussi bien du “développementalisme » que des grandes aspirations révolutionnaires (parfois inspirées par le marxisme et les mouvements de libération nationale) qui avaient accompagné la décolonisation ou avaient émergé aux lendemains de celle-ci. L’avènement du multipartisme étant allé de pair avec une accentuation de la répression étatique et de la prédation, autocensure, double langage, dépendance excessive a l’égard de financements et modèles étrangers, corruption, emprisonnements et hostilité de l’Etat ont conduit, en bien des cas, a une démobilisation collective. Ainsi s’explique en partie l’état persistant de faiblesse des organisations de la société civile.

Aujourd’hui, la contestation et la défiance a l’égard du modèle démocratique se sont amplifiées alors que le désir de transformation radicale n’a jamais été aussi manifeste. L’échec des transitions qui n’en finissent point a ouvert la voie à un regain d’intérêt pour la conquête du pouvoir par la violence. Loin de contribuer à l’unification du champ social, les mobilisations religieuses et identitaires en ont aggravé la fragmentation. Les reconfigurations de la sphère publique sous l’effet des technologies nouvelles ont permis de rabattre les cartes. Face à la montée en puissance des rapports transactionnels et du charisme personnel, les langages de la réussite individuelle l’emportent désormais sur l’esprit de volontariat et d’abnégation.

Objectifs et méthode

La Résidence de Yaoundé poursuit trois objectifs.

A partir d’une réflexion actualisée et prospective, les participant.e.s dresseront un état des lieux des pratiques contemporaines de mobilisation collective (mobilisations politiques, renouveau de l’activisme juridique, mobilisations syndi-cales, mobilisations armées, mobilisations numériques civiques, mobilisations diasporiques, mobilisations religieuses, mobilisations féministes, place des langues autochtones dans les nouveaux discours politiques etc…).

Ils/elles s’interrogeront sur la place de la pédagogie et de la formation dans les formes contemporaines du militantisme (en particulier les écoles itinérantes, les camps, la gestion des tiers-lieux, l’animation au plus près des habitants, les ateliers d’expression avec différents médias (musique, chant, danse, théâtre, arts plastiques, jeux moteurs, petits spectacles, cuisine collective etc.), les activités d’éveil relationnel).

Tirant des leçons des expériences concrètes de terrain, ils/elles réfléchiront enfin sur les voies et moyens de refonder théoriquement et concrètement l’éducation populaire et la pédagogie sociale dans le contexte actuel. Ils/elles dessineront a grands traits les formes que pourrait éventuellement prendre une « Ecole de l’activisme » en milieu africain et le type de formation, qu’elle pourrait dispenser dans la perspective d’une indispensable avancée vers la démocratie substantive sur le continent.

Trois séquences rythmeront nos travaux:  la première sera consacrée à l’état des lieux, la deuxième sera dédiée à un approfondissement de nos analyses et à la manière de les opérationaliser, et la troisième sera consacrée au design et a la prospective.

La Résidence alternera plusieurs formats (groupes de travail, exposés analytiques, séances de restitution), sur fonds d’une pluralité de regards croisés. Les résultats de recherches conduites par des chercheur.e.s seront confrontés aux témoignages des acteurs et actrices impliquées dans des initiatives concrètes. Echanges approfondis et débats sur quelques thèmes cruciaux auront lieu sur les modèles africains de la veillée nocturne (en cercles) et de l’arbre à palabres. approche en termes de design sera expérimentée, notamment lorsqu’il s’agira d’examiner la mise en place éventuelle d’une « Ecole africaine de l’activisme ».