Appel à communications : Enquêtes de terrain et de recherches féministes en Afrique

En bref

Date de clôture de l’appel :

10 Novembre 2024

Calendrier :

20 Janvier publication des lauréats

18 au 22 Février 2025, séminaire de recherche à Rabat

7 au 9 Avril 2025, Symposium international à Dakar

 

 

 

Cycle triennal d’enquêtes de terrain et de recherches féministes en Afrique 

APPEL À COMMUNICATIONS

 

En partenariat avec l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), l’université Internationale de Rabat et la revue Global Africa, la Fondation de l’innovation pour la démocratie lance un appel a communications dans le cadre de son “Cycle triennal d’enquêtes de terrain et de recherches féministes (2024-2027)”.

 

Destiné en priorité aux jeunes chercheur.e.s désireux.ses de participer au renouvellement des études féministes en Afrique, ce programme s’adresse aux chercheur.e.s confirmé.e.s et aux postdoctorant.e.s et doctorant.e.s de disciplines diverses (anthropologie, économie, droit, sociologie, géographie, sciences politiques, études de genre, histoire, études urbaines/rurales, études environnementales, littérature…).

 

Les propositions de communication doivent impérativement rentrer dans l’un de 7 axes thématiques suivants: (1) Le travail des femmes; (2) Les savoirs féminins; (3) Les métamorphoses de la famille et des ménages; (4) Les rapports intergénérationnels; (5) Corps et sexualités; (6) Genre et dispositifs technologiques; (7) Femmes rurales, écologie et dynamiques d’autosuffisance.

 

CONDITIONS DE SOUMISSION

 

Les propositions de communication doivent être rédigées en français ou en anglais (5 pages maximum). Elles doivent impérativement comporter:
. Le titre de la communication.
. L’axe auquel se rapporte la communication.
. L’auteure ou les auteures, avec leurs coordonnées email et leurs affiliations institutionnelles.
. Les enjeux du sujet.
. La problématique et les questions de recherche.
. La méthodologie de la recherche.
. Les références bibliographiques.

 

Les propositions qui ne respectent pas ces consignes ne seront pas examinées.
Seules les candidat.e.s dont le travail repose sur des enquêtes de terrain seront retenu.e.s.

 

Les candidatures retenues seront invitées à prendre part (1) au séminaire de recherche organisé du 18 au 22 Février 2025 à Rabat (Maroc) sur “Les genres de la démocratie”, puis (2) au Symposium international “La démocratie au féminin: Hommage à Fatou Sow” qui se tiendra à Dakar (Sénégal) du 7 au 9 Avril 2025.

 

Elles pourront aussi bénéficier éventuellement des outils mis en place par la Fondation dans le cadre de sa Stratégie Genre : (1) des bourses de recherche doctorale dans le cadre du programme “Enseigner la démocratie en Afrique”; (2) de l’appui à la recherche populaire en lien avec des collectifs de terrain; (3) des bourses en vue de la participation de jeunes femmes-chercheures à l’Ecole doctorale de la Fondation; (4) de l’accès prioritaire à des séminaires et ateliers de formation aux nouvelles formes de l’enquête de terrain en milieu africain; (5) de l’appui à des laboratoires et petites unités de recherche dirigées par des femmes; (6) de la mise en réseau des unités de recherche féministe avec des collectifs de terrain par le biais de colloques, ateliers, symposia et publications diverses.

 

Les intentions de communication doivent parvenir à la Fondation au plus tard le 10 Novembre 2025 en cliquant sur le bouton : « soumettre votre candidature ». Pour plus de fluidité et de confort, nous vous conseillons de completer le formulaire de candidature depuis un ordinateur.

 

Cycle triennal d’enquêtes de terrain et de recherches féministes (2024-2027)

 

De toutes les inégalités qui marquent les sociétés africaines et obèrent les possibilités de construction d’une démocratie substantive, les plus lourdes de conséquences sont celles qui frappent les “cadets sociaux”, c’est-à-dire, en particulier les jeunes et les femmes.

 

Ces deux catégories sont loin d’être homogènes. Rendre finement compte des dynamiques de différenciations qui les traversent (situations géographiques, classes d’âge, niveaux de scolarité, origines et statuts sociaux, professions, capital relationnel, économique et symbolique) et des conflits internes qui les opposent constitue déjà, en soi, un immense champ de recherche.

 

Femmes et jeunes ont cependant en commun d’être soumis à des conditions d’existence sociale et à des rapports de pouvoir politique, économique et culturel qui les dévalorisent et les “minorisent”. Conséquence de cette dévalorisation, de cette infériorisation et de cette minorisation, le rapport asymétrique de genre est, en Afrique, un rapport social non point secondaire, mais structurant.

 

Ici comme ailleurs, la construction sociale de la différence des sexes a une dimension politique et matérielle. Celle-ci se donne à voir à travers la distribution inégale des ressources et du pouvoir entre hommes, femmes et jeunes. Mais elle s’exprime aussi par le biais d’institutions diverses et sous la forme de normes explicites, de codes symboliques, voire de mythes. Ces normes ne sont pas fixées une bonne fois pour toutes. Elles sont, aujourd’hui, fortement remises en question. C’est le cas dans le champ des pratiques transgenre et des sexualités gaies et lesbiennes. Les logiques de minoration sont elles-mêmes en proie à de rapides transformations. Rendre compte de la façon dont les normes de genre sont produites, déconstruites et se réinventent, décrire ces dynamiques, les analyser et les interpréter appellent des recherches neuves et interdisciplinaires. Dans de nouveaux contextes politiques, économiques et technologiques dont on a tout à apprendre, ces dynamiques appellent surtout à un retour aux enquêtes de terrain et à un déplacement significatif des objets d’enquête.

 

Le retour aux enquêtes de terrain est d’autant plus nécessaire que les savoirs et connaissances dont nous disposons sur la transformation des rapports de genre en Afrique sont désuets, voire périmés. Faute de véritables enquêtes de terrain et en l’absence de maitrise des langues locales, les données collectées sur la durée font défaut. Nombre de politiques publiques et autres interventions se font sur la base de données approximatives et datées. Dans la plupart des cas, l’essentiel des observations s’appuient sur des cadres conceptuels dogmatiques, des méthodes sommaires d’investigation, des rapports rassemblés à la va-vite, un vocabulaire peu rigoureux et des préjugés informulés. Les cadres d’analyse en vigueur ne permettent guère de nourrir une compréhension actualisée et complexe des enjeux contemporains.

 

Tel est le cas lorsqu’il s’agit, par exemple, de rendre compte des figures changeantes du patriarcat ou des expériences multiples de la masculinité, de leurs fondements économiques et politiques, et de leur reproduction dans le temps et dans les imaginaires. C’est aussi le cas lorsqu’il s’agit d’expliquer la persistance de l’autorité des plus âgés au sein de sociétés pourtant majoritairement composées de jeunes, l’importance des rapports de parenté dans les modes de contrôle social, ou les dynamiques d’une économie d’extraction et de prédation qui repose en très grande partie sur l’appropriation massive et souvent gratuite du labeur et du corps des femmes. La gamme étendue des rôles de sexe si caractéristique des formations sociales africaines est perdue de vue en même temps que la variété des combinatoires en matière de circulation du masculin et du féminin.

 

Pour répondre à ce défi, la Fondation de l’innovation pour la démocratie, en partenariat avec un consortium d’universités africaines, de laboratoires et d’unités de recherche basés sur le continent, lance un cycle triennal de recherches féministes et d’enquêtes approfondies et interdisciplinaires sur les processus de transformation des relations de genre en Afrique.

 

Ce cycle vise trois objectifs principaux : (1) contribuer à la vitalité des recherches de terrain et au renouvellement des analyses féministes sur le continent ; (2) cartographier et documenter les transformations en cours en matière de rapport de genre ; (3) identifier ce dont elles procèdent et en mesurer les conséquences au regard du projet d’une démocratie substantive en Afrique.

 

En s’appuyant sur des enquêtes empiriques et en partant de la vie quotidienne, il s’agit en particulier : (1) d’étudier la transformation des conditions de la vie matérielle des femmes (le travail des femmes) ; (2) d’identifier les nouveaux lieux et objets du politique qui émergent au détour de leurs luttes et expériences ; (3) de produire une intelligence fine des savoirs, savoir-faire et savoir-être féminins et des processus multiformes de création de la valeur dans lesquels elles sont impliquées ; (4) de qualifier la puissance sociale des femmes et d’examiner en profondeur les obstacles qui empêchent de convertir cette puissance sociale en puissance politique au service de la démocratie substantive sur le continent.

 

AXES THEMATIQUES

 

Sur le plan méthodologique, ce programme privilégie une approche ethnographique fondée sur des enquêtes de terrain. Il encourage en particulier les recherches empiriques fondées sur l’observation directe et participative, la description dense et fouillée (thick description), la sélection des détails pertinents, l’analyse quantitative et le travail sur archives. Il encourage aussi la maitrise des langues locales et l’utilisation de supports multiples – textes, images, photographies, portraits, récits littéraires, videos etc…

Dans le but de renouveler les catégories de description et d’analyse et de mieux penser la simultanéité de l’expérience du genre avec celle d’autres marqueurs de la différence sociale, sept axes thématiques sont retenus. Il s’agit de domaines dans lesquels l’écart entre les connaissances dont nous disposons et les transformations contemporaines est le plus grand.

 

1. Le travail des femmes. Partant des activités quotidiennes, les enquêtes de terrain doivent en particulier rendre compte des multiples formes du travail des femmes dans les contextes urbain, péri-urbain et rural, à commencer par le travail de subsistance, le travail familial et domestique dans sa dimension relationnelle ou encore les formes diverses du travail rémunéré. Prises ensemble, ces différentes activités dessinent une économie « substantive », imbriquée, connectée au tissu de la vie, dans laquelle les relations jouent un rôle fondamental, et où la valeur n’est pas seulement monétaire, et le besoin n’est pas seulement comblé par le recours au marché. Une telle économie relève à la fois de l’économie de subsistance, de l’économie domestique dirigée vers les besoins des communautés locales, des activités cérémonielles ou liées à la parenté, de l’économie des services et de l’économie de marché.

 

2. Les savoirs féminins. Au long d’une journée, la vie de la plupart des femmes africaines se résume en une série d’engagements auxquels elles doivent répondre. La plupart de ces engagements ont trait à des besoins vitaux ou de première nécessité (visites familiales, approvisionnement en nourriture, en eau et énergie, feu de bois, vêtement, parure et soins du corps, habitat, soins médicaux, transport, travail des champs, soin des enfants et du voisinage etc…). De nouvelles enquêtes de terrain permettront de dessiner l’emploi de temps des femmes. Elles porteront aussi sur les savoirs féminins que ces formes multiples du labeur requièrent et mobilisent. Ces savoirs acquis par l’expérience et utiles à la pratique quotidienne sont différents des savoirs savants. Comment sont-ils constitués et transmis ? Comment s’inscrivent-ils dans l’espace social ?

 

3. Les métamorphoses de la famille. Différents modèles familiaux sont en train d’émerger sur le continent. Ils entrainent, à peu près partout, une profonde reconfiguration de la vie domestique, notamment dans les grandes agglomérations urbaines où les phénomènes de cohabitation, des naissances hors mariage, des familles monoparentales, du recours aux nouvelles techniques reproductives, etc. posent, en termes inédits, la question de la procréation et des liens de sang. Résultat de leur juxtaposition, parentalité et conjugalité sont en pleine mutation et l’on assiste à une redéfinition accélérée des fonctions maternelle et paternelle et du rapport général aux enfants.

 

4. Les circuits de vie et les rapports entre générations. Afin de renouveler les connaissances sur les transformations en cours, le besoin se fait sentir d’une ethnographie dynamique des situations concrètes, des itinéraires et circuits de vie et des pratiques économiques des femmes. Ces circuits de vie incluent les réseaux alternatifs d’entraide, les réseaux de commerce au niveau local et régional, la place des femmes dans le fonctionnement des marchés; les zones d’expériences telles que les femmes dans les métiers de service, dans les sphères professionnelles, dans les sphères associatives, dans les lieux de loisir ou dans le champ politique. Ils incluent également la reconfiguration des maisonnées (households), de la vie conjugale, des figures de la monogamie et de la polygamie, des réseaux de parenté, des rapports mère-fille, garçon-mère, fille-père et garçon-père. C’est à partir de ces zones d’expérience et des territoires réels de l’existence qu’il est possible de mettre en lumière les facteurs qui fondent, maintiennent et structurent les inégalités de genre dans l’Afrique contemporaine.

 

5. Corps et sexualités. Tout comme la division sexuelle du travail, la thématique de la prédation sexuelle et de l’appropriation corporelle est au cœur de la critique féministe. En examinant le corps comme

objet et sujet du politique, il est possible, grâce à des enquêtes fines, de décrire de façon détaillée le fonctionnement concret de la norme masculine, les figures contemporaines du virilisme et autres répertoires du masculin. Il est aussi possible d’éclairer les métamorphoses de la maternité et de la parentalité, notamment celles qui remettent en question l’organisation sexuée de la société. Il est, par ailleurs, possible de mieux décrire et analyser la violence des mécanismes du pouvoir qui régulent et disciplinent la sexualité des femmes, tout en mettant en lumière les formes de résistance, d’ambivalence et les transactions matérielles et symboliques qui émergent des espaces du quotidien. Il est enfin possible d’examiner en profondeur comment se vivent les souffrances issues de ces opérations de dévalorisation et de minoration. Peu de recherches se sont en effet concentrées sur ces souffrances et leurs conséquences sur la santé mentale des femmes alors qu’elles jouent un rôle important dans les rapports sociaux et les stratégies des femmes.

 

6. Genre et dispositifs technologiques. Décrire les évolutions rapides d’une société nécessite des enquêtes sur la stratification sociale, les inégalités, les migrations, la mobilité intergénérationnelle, la famille, la situation des femmes dans les campagnes, les nouvelles constructions sociales de l’individualité, etc. Cela implique aussi et surtout un renouvellement des objets d’étude, des concepts et des catégories d’analyse et de description. Un champ où ces préoccupations s’entrecroisent est celui des appareillages techniques et des marchandises. Leur rôle dans la production et la contestation d’un ordre social structuré par des hiérarchies entre les sexes et les sexualités reste à élucider.

En effet, à l’heure des plateformes numériques, les normes sexuelles sont produites et contestées aussi bien par les institutions que par le biais des dispositifs technologiques et marchands. Une description attentive des nouveaux cadrages socio-techniques et la prise en compte d’un large éventail d’objets et d’activités (affordances, interfaces, applications mobiles, écrans divers, industries médiatiques) permettraient de remettre la question des objets techniques et des marchandises au cœur du questionnement sur la transformation des rapports de genre en Afrique. Il s’agirait alors d’examiner, in situ, les façons dont les genres se construisent, se définissent et s’appuient sur des objets techniques et sur l’échange des marchandises et des services. Mais il s’agirait aussi de voir comment, toujours pris dans des relations, objets et marchandises se voient attribuer certains usages et certaines significations et avec quels effets.

 

7. Femmes rurales, écologie et dynamiques d’autosuffisance. Le travail de maintien de la vie est au premier plan des préoccupations des femmes rurales en Afrique. Là où elles disposent d’un accès à la terre et d’un champ à soi, une part importante de ce travail passe par le défrichage des terres et la production des denrées alimentaires indispensables à la survie de la famille. L’interaction avec un milieu de vie nourricier passe par la préservation des semences, le soin des sols, le nourrissage et la traite d’animaux ou de la volaille, la collecte de fagots de bois ou d’herbes médicinales, la participation aux travaux collectifs de récolte, etc. De nouvelles recherches sont à initier au sujet de ces activités d’autoproduction. Il ne s’agit pas seulement de s’interroger sur le point de savoir qui contrôle la matière première, les outils et la destination de ce travail. Il s’agit aussi de renverser les perspectives analytiques et de se demander comment, à travers leurs faits et gestes, les femmes rurales exercent un pouvoir de subsistance. Quels types de savoirs écologiques développent-elles et comment apprennent-elles à composer avec les contraintes de leur biotope ?